samedi 30 avril 2016

Sans secret des affaires, comment protéger ses informations sensibles ?

La difficulté de légiférer au sujet du secret des affaires apparaît autant en France (échec à plusieurs reprises sur les propositions Carayon et Macron1) qu'au niveau européen. En effet, la directive "protection des secrets d'affaires contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites" adopté le 14 avril 2016 par le Parlement européen est loin d'être satisfaisante du fait de la vacuité de son contenu2.

Source de l'image : Fotolia.com



Sans disposition législative satisfaisante, comment les entreprises peuvent -elles protéger leur patrimoine informationnel ? 





Plusieurs solutions juridiques existent déjà pour réprimer l'espionnage économique :

I. L'abus de confiance , prévu par les articles 314-14 et suivants du code pénal, permet de sanctionner les salariés démissionnaires qui partent chez leur nouvel employeur avec les données de l'ancien3. L'abus de confiance peut donc se traduire par le détournement de fichiers de l'entreprise pour réprimer l'atteinte au patrimoine informationnel de l'entreprise.


II. Le vol de données immatérielles a été consacré à plusieurs reprises par la Cour de cassation4. La Cour qualifie ce vol immatériel par la soustraction de données informatiques sans le consentement de son propriétaire. Cette jurisprudence désormais renforcée permet une protection avérée des victimes d'atteintes à leur patrimoine informationnel stratégique.

III. Les réglementations anti-concurrentielles qui permettent de garantir une concurrence saine et loyale entre professionnels.
Par exemple, la notion de concurrence déloyale fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil relatif à la responsabilité délictuelle ou l'entente anti-concurrentielle prévue à l'article L. 420-1 du code de commerce.

IV. Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation protégés par l'article 410-1 du code pénal qui permettent de sanctionner les atteintes à des informations stratégiques du point de vue de la souveraineté de l'Etat mais qui peuvent appartenir à des sociétés privées.
Il peut s'agir de la livraison d'informations à une puissance étrangère (articles 411-6 et suivants du code pénal). Les intérêts fondamentaux de la nation sont les suivants : l'indépendance, de l'intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel. Ainsi, toute entité privée ou publique ayant un lien avec ces intérêts fondamentaux peuvent se prévaloir de ses dispositions et bénéficier d'une protection au niveau pénal.

V. Les clauses de confidentialité dans les contrats de travail et dans les contrats de prestation. Ces clauses imposées de façon contractuelle permettent à l'entreprise de protéger son savoir-faire en interdisant aux salariés ou aux prestataires de divulguer ce savoir acquis au cours de leur travail même après la cessation du contrat de travail ou de prestation.
Cette clause de confidentialité peut également être renforcée par une clause de non-concurrence qui interdit la possibilité pour un salarié d'offrir ses compétences à un concurrent direct de l'entreprise.  

Sans secret des affaires, il est donc possible de se protéger juridiquement contre l'espionnage économique. Toutefois, cette protection a posteriori ne doit pas dédouaner les entreprises de se protéger a priori contre de telles pratiques en appliquant des mesures dites d'intelligence économique notamment en sécurisant leurs systèmes d'information grâce au chiffrement et à toutes les mesures d'hygiène informatique.

Notes de bas-page
1 Deux propositions de lois ont été faites par le député Benard Carayon en 2011 (la 3985) et en 2014 (la 2139). Plus récemment 2015, des dispositions ont été introduites dans le projet de loi Macron 1 (la 2447) .

2 Lire à ce sujet l'excellent article « La directive « secret des affaires » et les lanceurs d'alerte par Liberté, libertés chéries.

3Cass. Crim.,22 oct. 2014, n°13-82630


4Cass. Crim. , 9 sept. 2003, n°02-87-098 ; Cass. Crim. 4 mars 2008, n°07-84.002,Cass. Crim. , 16 juin 2011, n°10-85.079 ;Cass. Crim. , 20 mai 2015, n°14-81336.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire