La difficulté de
légiférer au sujet du secret des affaires apparaît autant en
France (échec à plusieurs reprises sur les propositions Carayon et
Macron1)
qu'au niveau européen. En effet, la directive "protection
des secrets d'affaires contre l'obtention, l'utilisation et la
divulgation illicites" adopté le 14 avril 2016 par le
Parlement européen est loin d'être satisfaisante du fait de la
vacuité de son contenu2.
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Sans disposition
législative satisfaisante, comment les entreprises peuvent -elles
protéger leur patrimoine informationnel ?
Plusieurs solutions
juridiques existent déjà pour réprimer l'espionnage
économique :
I. L'abus de confiance ,
prévu par les articles 314-14 et suivants du code pénal, permet de
sanctionner les salariés démissionnaires qui partent chez leur
nouvel employeur avec les données de l'ancien3.
L'abus de confiance peut donc se traduire par le détournement de
fichiers de l'entreprise pour réprimer l'atteinte au patrimoine
informationnel de l'entreprise.
II. Le vol de données
immatérielles a été consacré à plusieurs reprises par la Cour de
cassation4.
La Cour qualifie ce vol immatériel par la soustraction de données
informatiques sans le consentement de son propriétaire. Cette
jurisprudence désormais renforcée permet une protection avérée
des victimes d'atteintes à leur patrimoine informationnel
stratégique.
III. Les réglementations
anti-concurrentielles qui permettent de garantir une concurrence
saine et loyale entre professionnels.
Par exemple, la notion de
concurrence
déloyale fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil
relatif à la responsabilité délictuelle ou l'entente
anti-concurrentielle prévue à l'article L. 420-1 du code de
commerce.
IV. Les atteintes aux
intérêts fondamentaux de la nation protégés par l'article 410-1
du code pénal qui permettent de sanctionner les atteintes à des
informations stratégiques du point de vue de la souveraineté de
l'Etat mais qui peuvent appartenir à des sociétés privées.
Il peut s'agir de la livraison d'informations à une puissance étrangère
(articles 411-6 et suivants du code pénal). Les intérêts
fondamentaux de la nation sont les suivants : l'indépendance,
de l'intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme
républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa
diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à
l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et de son
environnement et des éléments essentiels de son potentiel
scientifique et économique et de son patrimoine culturel. Ainsi, toute entité privée ou publique ayant un lien avec ces intérêts fondamentaux peuvent se prévaloir de ses dispositions et bénéficier d'une protection au niveau pénal.
V. Les clauses de
confidentialité dans les contrats de travail et dans les contrats de
prestation. Ces clauses imposées de façon contractuelle permettent
à l'entreprise de protéger son savoir-faire en interdisant aux
salariés ou aux prestataires de divulguer ce savoir acquis au cours
de leur travail même après la cessation du contrat de travail ou de
prestation.
Cette clause de
confidentialité peut également être renforcée par une clause de
non-concurrence qui interdit la possibilité pour un salarié
d'offrir ses compétences à un concurrent direct de l'entreprise.
Sans secret des affaires, il est donc possible de se protéger juridiquement contre l'espionnage économique. Toutefois, cette protection a posteriori ne doit pas dédouaner les entreprises de se protéger a priori contre de telles pratiques en appliquant des mesures dites d'intelligence économique notamment en sécurisant leurs systèmes d'information grâce au chiffrement et à toutes les mesures d'hygiène informatique.
Notes de bas-page
1 Deux
propositions de lois ont été faites par le député Benard Carayon
en 2011 (la
3985) et en 2014 (la
2139). Plus récemment 2015, des dispositions ont été
introduites dans le projet de loi Macron 1 (la
2447) .
2
Lire à ce sujet l'excellent article « La
directive « secret des affaires » et les lanceurs
d'alerte par Liberté, libertés chéries.
3Cass.
Crim.,22 oct. 2014, n°13-82630
4Cass.
Crim. , 9 sept. 2003, n°02-87-098 ; Cass. Crim. 4
mars 2008, n°07-84.002,Cass. Crim. , 16 juin 2011,
n°10-85.079 ;Cass. Crim. , 20 mai 2015, n°14-81336.
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